Une toile est un lien entre celui qui la conçoit et celui qui la contemple. Les pleins et les vides qui la constituent sont comme des portes fictives, des interstices... reste après à chacun de percevoir et de savoir ce qu’il trouve derrière sa porte.
Je considère la lumière comme faisant partie intégrante de l’interstice. Elle la crée au même titre que la couleur. Mon travail avec le temps s’éloigne des aplats chromatiques lisses pour trouver une matière, une texture granuleuse, proche de la terre. Je repeins généralement par dessus d’anciennes peintures que je retravaille sur plusieurs mois, tout en y laissant apparaître discrètement les couches inférieurs. On se retrouve alors face à l’illusion d’une profondeur plus marquées, et générée par les interstices mêmes.
L’espace pictural est géré par les pleins et les vides. Au fur et à mesure du temps l’espace perspectif s’est brisé sur la toile laissant place à des espaces flottants. Les interstices donnent à l’ensemble de la toile une certaine homogénéité. Bien qu’elle puisse se parer de couleurs criardes, elle reste dans le domaine de la perception apaisante, voir réflexive, à la limite du spirituel.
Les interstices sont une invitation au rêve, au voyage introspectif, à la réflexion. Elles conservent un coté accidentel dans le champ pictural, qui peut apporter une harmonie dans un espace dont la perspective est cassée, détruite voir inexistante. La couleur devient alors « le metteur en scène ».
Ma démarche artistique reflète, comme un miroir, des petits bouts de notre monde. Elle s’étend à d’autres supports tels que les traces et empreintes de maux par des mots dans le plâtre, ainsi que la photographie et les papiers de la presse. Mon travail a longtemps été guidé, outre par ce que j’observe du monde, par mes lectures, à l’instar de récits et essais d’artistes tant occidentaux qu’orientaux.
« Le silence impose le vide et génère le plein.
Il faut puiser, non dans le visible, mais plutôt dans l’intérieur
Chercher à fixer l’indicible: ce qui au fond de nous prend forme.
L’espace pictural dès qu’il atteint son autonomie
N’est plus ce qu’il cerne visiblement; Il en est lui même articulation,
Affirmation d’une réalité d’ordre différent; une réalité sensible.
C’est l’élaboration d’un espace ou le silence et fécond,
Un espace dans lequel forme et fond deviennent
Une seule et même unité, ou la couleur génère l’espace.
Chaque forme alors s’y définit,
autant par rapport aux autres qu’à elle même
Les fragments de mémoire se voilent
Les uns après les autres
Vibrent de leur union,
Souvenir et mémoire de permanence.
Tout homme doit avoir sa part de silence,
Pour trouver son espace de liberté. »
(HAMIDI)
Kenza